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15 Avril 2011
Un mois jour pour jour après le début du mouvement de contestation en Syrie, des dizaines de milliers de personnes ont manifesté, vendredi 15 avril, contre le régime, dans plusieurs régions du pays, notamment dans le Nord-Est, à majorité kurde, à Deraa, dans le Sud, et à Damas.
Dans la capitale, des milliers de manifestants qui avaient commencé à défiler dans les faubourgs de la ville, en direction de la place des Abbassides au cri de "le peuple veut renverser le régime", ont été dispersés par les forces de sécurité, dépêchées en masse, avec bâtons et grenades lacrymogènes. "J'ai compté quinze bus transportant des 'moukhabarat' [police secrète]. Ces derniers ont été déployés dans les ruelles situées au nord de la place pour traquer les manifestants. Ils hurlaient 'espèce de maquereaux, espèce d'infiltrés. Vous voulez la liberté, on va vous la donner!'" a raconté un témoin interrogé par Reuters.
Les gaz lacrymogènes ont aussi mis fin à la manifestation d'environ deux mille personnes, à Jobar, au nord de Damas. L'agence d'information officielle SANA a également fait état de rassemblements à Deraa, dans le Sud, foyer de la contestation, où plusieurs manifestants ont été tués ces dernières semaines, mais aussi à Qamishli, Derbassiyé, Deir Ezzor, Homs, Banias, Jablé, Hiffé, Hama, ainsi que dans d'autres localités de la province de Damas.
A Qamishli, dans l'extrême nord-est du pays, à majorité kurde, près de cinq mille personnes ont manifesté après la prière du vendredi. Elles ont défilé à partir de la mosquée Qasmo scandant des slogans de solidarité avec les victimes de Deraa et de Banias, a affirmé à l'AFP un militant des droits de l'homme, Hassan Berro. Dans trois autres localités kurdes, Raas Al-Arab, Amouda et Derbassiyé, quelque quatre mille cinq cents personnes ont également manifesté contre le régime, a-t-il indiqué. A Lattaquié, ville côtière où des violences meurtrières avaient éclaté fin mars, un millier de personnes se sont rassemblées dans le centre de la ville, selon un militant des droits de l'homme.
A Homs, quelque quatre mille autres scandaient "liberté, liberté", a indiqué le militant politique Najati Tayara. Les forces de sécurité sont intervenues au bout d'une heure pour les disperser à coups de matraque
LIBÉRATIONS ET TORTURE
Ces manifestations, auxquelles avaient appelé les contestataires sur le réseau social Facebook, ont lieu au lendemain de l'annonce de la formation d'un nouveau gouvernement en Syrie et de la libération de centaines de personnes détenues depuis le début de la contestation. Ce cabinet dirigé par Adel Safar a pour tâche de mener un programme de réformes comprenant notamment la levée de la loi d'urgence en vigueur depuis 1963, la libéralisation de la presse et l'instauration du pluralisme politique, autant de mesures réclamées par les manifestants. Les titulaires des principaux ministères, notamment ceux de la défense, des affaires étrangères et du pétrole, restent cependant inchangés. L'ancien gouvernement, dirigé depuis 2003 par Mohammad Naji Otri, avait démissionné le 29 mars.
L'Observatoire syrien des droits de l'homme (OSDH) a annoncé la libération, jeudi et vendredi, de "centaines" de personnes "arrêtées" lors de manifestations dans plusieurs villes du pays. L'OSDH fait notamment état de la libération du blogueur Ahmad Hadifa, "arrêté le 23 mars en raison de ses activités sur Facebook", et du poète Mohammad Mahmoud Dibo, arrêté le 19 mars près de Banias.
Dans le même temps, l'organisation Human Rights Watch (HRW) a accusé les services de sécurité syriens d'avoir torturé de nombreux manifestants parmi les centaines arrêtés depuis le début du mouvement de contestation. Selon Amnesty International, au moins deux cents personnes ont été tuées dans la répression, la plupart par les forces de sécurité ou par des policiers en civil. Les autorités accusent des bandes "criminelles" ou "armées" d'être responsables des tirs qui ont tué des manifestants et des forces de l'ordre.
Le Monde le 15 Avril 2011