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6 Juin 2007
KOUCHNER ET SA MORALE A DEUX BALLES
KOUCHNER ET SA MORALE
VALENT QUE DALLE !
L'illusion humanitaire
par le Dr Denis Lemasson, responsable des programmes de Médecins sans frontières au Soudan
Le Darfour reste le théâtre d’un conflit qui continue de se traduire par des violences : affrontements sporadiques, raids sur des villages et attaques ciblées, y compris à l'encontre des humanitaires. Plus de deux millions de personnes sont toujours déplacées et dépendent essentiellement de l'aide internationale pour leur survie. Mais, depuis le début du conflit, la situation a beaucoup évolué. Aujourd’hui, nous ne sommes plus dans un contexte de massacres de masse comme en 2003-2004. Depuis un an, les forces armées, rebelles comme progouvernementales, ont scissionné en des dizaines de factions qui s’affrontent et créent une situation d’insécurité.
Dans ce contexte de guerre diffuse et sans ligne de front, porter secours aux populations est difficile, parfois dangereux, mais possible. L’opération d’aide, d’une ampleur sans précédent, menée par les Nations unies et de très nombreuses organisations non gouvernementales, permet depuis trois ans d’apporter des secours vitaux à plus de deux millions de personnes. Les routes étant devenues dangereuses, des ponts aériens efficaces ont été mis en place par le Programme alimentaire mondial. Avec 2 000 employés travaillant dans les grands camps de déplacés, mais aussi en zone rebelle, Médecins sans frontières mène au Darfour son intervention la plus importante. Ainsi, même si elle reste précaire pour les populations, la situation sanitaire et nutritionnelle dans les plus importants sites de déplacés est correcte. Les différents indicateurs de santé montrent que nous ne sommes plus dans une situation d’urgence médicale.
Face à cette situation, la proposition française de créer des “corridors humanitaires” sécurisés par des soldats paraît saugrenue et dangereuse. Saugrenue parce qu’une aide massive est déjà acheminée chaque jour au Darfour et on ne voit pas la valeur ajoutée de cette initiative. Dangereuse, parce qu’en mélangeant intervention militaire et action humanitaire, elle pourrait mettre en danger les secours au lieu de les améliorer. En tant qu’acteurs de terrain opérant principalement dans des conflits, nous savons que la neutralité et l’indépendance des secours sont la condition de leur efficacité. Accompagnés par des militaires, les humanitaires risquent d’être pris à partie et de devenir une cible au lieu d’être protégés.
Il ne nous appartient pas de nous prononcer pour ou contre telle ou telle autre solution politique au conflit. En revanche, il est de notre responsabilité de sortir du silence quand l’humanitaire se mêle à des considérations politiques et militaires.
Métro le 6 Juin 2007.