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1 Mars 2018
C’est la troisième fois en un an et demi que l’association pro-animaux L214 diffuse une vidéo tournée dans un élevage de poules en batterie. Pourtant, difficile de s’habituer à de telles scènes. Dans la vidéo tournée dans une exploitation des Côtes-d’Armor et mise en ligne dans la nuit de dimanche à lundi, on distingue un long hangar sombre, sordide et sale, dans lequel les cages semblent s’entasser à l’infini. Au milieu des poules qui se piétinent par manque de place, de nombreux cadavres finissent de se décomposer. Des œufs sont même bloqués par ces tas informes de plumes et d’os. Les poules en vie semblent peu vaillantes et déplumées.
«La plupart de ces cages sont entièrement grillagées au sol, ce qui est illégal. Les animaux ne disposent donc d’aucune surface de confort. De tels élevages ne respectent même pas le minimum prévu par la loi», s’indigne Brigitte Gothière, cofondatrice et porte-parole de L214. Selon l’association, qui indique que ces images ont été tournées fin novembre, 138 000 poules vivent dans ces conditions.
Une partie des œufs produits ici sont destinés à l’industrie : la restauration et les produits transformés (comme la pâtisserie industrielle) sont de grands consommateurs d’«ovoproduits», puisqu’ils absorbent environ la moitié de la production française. Dans cette filière, le consommateur ne dispose généralement d’aucune traçabilité quant au mode d’élevage des poules.
Une autre partie des œufs issus de cet élevage breton est commercialisée en supermarché.Avec ce nouveau scandale, L214 veut frapper plus fort encore. Pour commenter les images tournées dans l’élevage des Côtes-d’Armor, l’association a choisi un invité de marque : Stéphane Bern himself, plus habitué à parler des têtes couronnées que des crêtes de poule. Mais le présentateur, dont on ignorait jusque-là le penchant pour la cause animale, s’acquitte fort élégamment de sa mission, proposant d’interdire l’élevage en cages et de «ranger ces pratiques au musée des horreurs».
Plus prosaïquement, l’association va se tourner vers la justice : «Nous allons déposer une plainte pour mauvais traitements auprès du tribunal de grande instance de Saint-Malo, avertit Brigitte Gothière. Nous allons également introduire un recours en responsabilité contre l’Etat, car sa tolérance envers les manquements et défaillances structurels dans les élevages devient patente.» L214 demande aussi l’interdiction totale de l’élevage de poules en cages.
Ce timing n’est pas le fruit du hasard : les Etats généraux de l’alimentation touchent en effet à leur fin, et l’élevage en batterie fait partie des sujets de crispation. Emmanuel Macron a rappelé au mois d’octobre qu’il souhaitait que «les œufs vendus aux consommateurs ne [soient] issus que d’élevages en plein air d’ici à 2022».
Ce à quoi Brigitte Gothière répond : «C’est un pas en avant. Mais l’immense majorité des acteurs de la grande distribution, comme Carrefour en novembre, ainsi que de nombreux industriels et des représentants de la restauration hors domicile, se sont déjà engagés à n’utiliser que des œufs issus du plein air, soit d’ici à 2020 soit d’ici à 2025. Il y a quelques jours, le groupe D’aucy, qui produit un milliard d’œufs par an, s’est lui aussi inscrit dans cette démarche.»
Dans ce contexte, la déclaration de Macron paraît moins prometteuse qu’elle n’en a l’air. «Il semble qu’elle ne concerne que les œufs vendus en boîte, que l’on appelle les œufs coquilles, explique Brigitte Gothière. Or ce marché ne représente qu’environ 50 % des volumes consommés en France, ce qui signifie concrètement que 23 millions de poules seraient encore condamnées à vivre en cage… Il est plus que temps d’en finir avec ce mode d’élevage. Et dans cette optique, y parvenir à l’horizon de 2025 nous semble un bon objectif.»
Aujourd’hui, environ 68 % des 47 millions de poules élevées en France (soit 32 millions) sont enfermées dans des cages. Selon un sondage Opinionway de 2014, et réalisé pour L214, 90 % des Français veulent que cette pratique soit interdite.