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LA GRANDE ESSOREUSE

Hop, tous et toutes à la grande messe « républicaine » ! Pour enfants de choeur, les forces de l’ordre, célébrées et applaudies au cours des récentes manifestation. Et pour hostie, le dernier exemplaire de Charlie Hebdo- il a été tiré à trois millions d’exemplaires, tout le monde pourra communier...

 

Bon...

Maintenant, on sait.

Jusqu’alors, on pouvait encore se mentir. Se bercer d’illusions. Parier sur un sursaut de raison. Espérer un improbable miracle collectif. Agiter l’espoir du refus de la haine. En somme, croire encore que le bourbier n’était pas obligatoirement la seule destination commune.

Mais désormais : impossible.

Fini, terminé.

Tu peux remiser ces vains espoirs et ces folles croyances au placard, avec un joli mouchoir dessus. Cela te fera un parfait drapeau blanc quand il s’agira d’aller chopper le pain entre deux échanges de tir....

***
Il faut voir les choses en face : l’incroyable déferlement de pathétisme bêlant ayant suivi la  mise à mort barbare des gens de Charlie Hebdo ne porte rien en lui de ce que les médias et politiques veulent naïvement lui prêter. Ni l’intelligence. Ni le courage. Et pas même l’idée d’un avenir qui nous dépasserait tous, cette volonté de sortir des petites limites encloses de l’individu pour croire en un futur partagé.

Rien, sinon la bêtise martiale et son versant consumériste. Pendant les manifestations, les applaudissements et les encouragements aux forces de l’ordre, un peu partout et à répétition. Les arrêts marqués devant les monuments aux morts des charniers des deux premières guerres mondiales en chantant la Marseillaise. Les appels à recourir à l’armée, à renforcer la législation sécuritaire, la surveillance, le contrôle. Et une incroyable cohue pour acheter SON numéro de Charlie Hebdo, absurde course à l’exemplaire qui a laissé pantois les médias eux-mêmes, peu habitués à ce que des millions de Français se battent (littéralement) pour leur production1. Une délirante logique consumériste vient ainsi appuyer une très étrange célébration patriotique, elle-même davantage marquée par la peur et par la certitude d’un inexorable déclin que par une quelconque volonté de résistance. On peut éventuellement espérer que ce grand battage mette temporairement fin à la crise de la presse. Mais pour le reste....

Pour le reste, nous clapotons à l’évidence en pleine Bérezina. S’il suffit de trois efficaces et glaçants attentats, suivis de quelques jours de peur et d’indignation, pour que des millions de personnes de tous bords se mettent à marcher au martial pas, qu’elles embouchent les trompettes de l’ordre et qu’elles se précipitent dans les bras des uniformes, s’il suffit de cela, alors les années à venir, dont on disait déjà avant ce début janvier qu’elles verraient le sacre de l’extrême-droite, s’annoncent comme un terrifiant buffet à la connerie humaine – all you can eat, avec supplément racisme, endoctrinement et mayonnaise bas-du-front. La table en est dressée. Et les convives festoient déjà. Les plus puissants se poussent même du coude pour figurer sur la photo. Pour mieux singer l’Union sacrée. On dirait presque qu’ils jubilent. L’histoire est là, avec sa grande hache. Mieux : ils la font, la malaxent. Quel pied !

C’est la grande course à l’échalote qui recommence, classique jeu de miroir inverse des nationalismes crétins. Elle n’aura d’autres issues que celles qu’elle a toujours eues dans l’histoire. La guerre. Le pouvoir. La mort. Pour qu’il en aille autrement, il faudrait autre chose qu’une ridicule cohue marchande, que des encouragements à la police et que la stigmatisation d’une communauté. Il faudrait le goût de la lumière et non l’angoisse de la chute. Le lent travail de l’intelligence et non l’imbécile réactivité de l’émotion. Une vision claire de l’état du monde et non le rêve fantasmé d’une République fille des Lumières qui serait encore phare intellectuel et politique de l’univers. Et enfin, la volonté de dépasser le petit confort de l’idéologie et non l’enfermement de chacun dans sa petite chapelle habituelle.

Pour l’instant, personne n’est à la hauteur de l’enjeu – sauf à penser que le but est un absurde affrontement (dit) de civilisation. Personne, et pas même la sphère radicale. Il va falloir faire mieux.

 

 

 

 

 

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