Ramallah n'attend plus rien de Barack Obama
C'est dans l'indifférence à peu près générale de la population palestinienne que Barack Obama s'est rendu jeudi à Ramallah pour signifier à Mahmoud Abbas son espoir de voir s'ouvrir des
négociations avec Israël sans conditions préalables. La rencontre a eu lieu derrière les hauts murs de la Mukata, l'enceinte de la présidence palestinienne, à l'abri de toute présence du public.
Au milieu d'un service de sécurité impressionnant, l'hélicoptère du président américain s'est posé à l'intérieur de l'ensemble de bâtiments administratifs construit là où Yasser Arafat avait
longuement été cerné par les forces israéliennes pendant la deuxième Intifada. Barack Obama a prudemment évité de s'approcher du tombeau du chef de l'OLP pour participer à une brève cérémonie
d'accueil avant de s'entretenir avec le président d'une Autorité palestinienne au bord de la faillite financière et au crédit politique largement entamé.
Peu avant, deux roquettes tirées de Gaza s'étaient écrasées sans faire de victimes dans le sud d'Israël, une façon pour les plus radicaux de rappeler leur existence. Cela a permis au président
américain de dénoncer le Hamas et sa «volonté de détruire Israël», tandis que son hôte faisait savoir par l'intermédiaire d'un porte-parole qu'il «condamnait la violence contre des civils d'où
qu'elle vienne y compris celle des roquettes».
L'incident est resté circonscrit. L'affaire du jour était de savoir comment des négociations pourraient reprendre, après bientôt trois ans d'impasse, entre l'Autorité palestinienne et le nouveau
gouvernement que vient de former Benyamin Nétanyahou, dans lequel les colons occupent des postes clés. Sur ce point, le message de Barack Obama a été très clair. Alors qu'au début de son premier
mandat, il avait surpris en cherchant sans succès à obtenir du premier ministre israélien un gel de la construction dans les colonies de Cisjordanie et de Jérusalem-Est, le président américain a
abandonné cette voie. S'il se dit convaincu qu'une solution prévoyant «deux États pour deux peuples» est toujours possible, s'il reste déterminé à favoriser l'émergence d'«un État palestinien
indépendant, viable et contigu», Obama insiste pour que les Palestiniens négocient «sans condition préalable».
Nouvelles priorités
Bien sûr, reconnaît-il, la question des colonies a son «importance». Comme ses prédécesseurs à la Maison-Blanche, mais en choisissant des mots très modérés, il considère que la colonisation
«n'est pas de nature à favoriser le processus de paix». Mais il inverse l'ordre de ses priorités: «Si nous résolvons la question de la souveraineté pour les Palestiniens et celle de la sécurité
pour les Israéliens, la question des colonies sera réglée.» Reste aux Palestiniens à abandonner une position de principe que le Barack Obama du premier mandat avait lui-même encouragée.
Mahmoud Abbas a bien montré que cela n'irait pas de soi. «La question des colonies n'est pas seulement un obstacle sur la voie d'une solution à deux États», a-t-il répondu en s'accrochant à la
notion de «légalité internationale».
À Ramallah, comme il l'a fait en Israël, Barack Obama a repris à son compte l'exigence de Nétanyahou qu'Israël soit reconnu en tant qu'État juif, comme cela est implicite dans la définition «deux
États pour deux peuples», une formule que les Palestiniens refusent dans la mesure où elle met en cause le «droit au retour» des réfugiés.
Dans la nouvelle stratégie de Barack Obama, il est beaucoup question de rétablir la «confiance» entre deux partenaires qu'il juge de bonne foi. Mais aucune proposition concrète n'est avancée. Le
président américain laissera sans doute à son secrétaire d'État, John Kerry, le soin d'entrer dans les détails. Si le passage d'Obama par Ramallah n'a pas dissipé les doutes que les Palestiniens
entretiennent à son égard, il n'aura pas non plus gêné l'offensive de charme en direction des Israéliens, priorité manifeste de son voyage.
Le chef d'État américain a visité la basilique de la Nativité. Sa visite n'a pas duré plus de
30 minutes.
Son hélicoptère cloué au sol par une violente tempête de sable, Obama a dû se rendre en voiture à Bethléem, dernière étape de sa
visite de trois jours en Israël et dans les Territoires palestiniens. Le président américain a donc franchi par la route le mur qui sépare la ville palestinienne de Jérusalem, ou la barrière
de sécurité, selon l'appellation officielle israélienne. Mais sa visite n'a pas duré plus de 30 minutes. Obama ne s'est rendu que dans la basilique de la Nativité, et n'a pas rencontré de
Palestiniens de Bethléem. «Il ne vient pas voir des terroristes», ironise une dame chrétienne en regardant les préparatifs d'une incursion présidentielle évoquant plus un raid militaire
qu'une visite touristique.
La place de la Mangeoire, devant la basilique, avait été interdite, et les accès étaient bouclés par un important déploiement de forces de sécurité
palestiniennes. Des tireurs d'élite américains étaient postés sur le toit de l'église, et les magasins ont été obligés de fermer dès le début de la matinée.
«Il ne fait pas grand-chose»
Ce dispositif n'a fait qu'accentuer le manque d'enthousiasme des habitants de Bethléem, dont aucun ne semblaient particulièrement
intéressé par le passage du président américain. «Qu'est-ce que ça peut nous faire, qu'Obama soit là?», demande Barakat, un commerçant de la rue Paul-IV. «Il y a quatre ans il demandait à
Israël d'arrêter la colonisation, maintenant il ne demande plus rien. Pendant ce temps, tout autour de Bethléem, les colonies continuent de s'agrandir sur nos terres. Il est devenu comme
nous, les Arabes, il parle beaucoup, mais ne fait pas grand-chose.»
Une petite manifestation qui se forme à la sortie de la mosquée est rapidement dispersée par la police palestinienne. Restent quelques badauds, qui tentent
d'apercevoir quelque chose derrière les rangées de voitures blindées garées de façon à faire écran devant l'entrée de l'église.
Résultat, lorsque son imposant cortège présidentiel fait irruption sur la place de la Mangeoire, pratiquement personne ne voit Obama sortir de sa limousine
garée presque contre la basilique, et se courber pour franchir la porte de l'Humilité, la petite entrée de l'édifice. Accompagné par le président palestinien, Mahmoud Abbas, et la maire de
Bethléem, Vera Baboun. Obama est resté une vingtaine de minutes dans l'église, construite au-dessus de la grotte où serait né Jésus.
«C'est important que le président soit venu se rendre compte par lui-même», s'est cependant félicitée Mme Baboun, espérant que son bref passage dans la ville
enclavée le fasse «réfléchir».
Les Israéliens gagnés par l'obamania
Sur la place de la Mangeoire, dans la boutique de souvenirs familiale, Elias Giacaman a assisté au passage de ce curieux cortège
derrière sa vitrine pleine de crèches sculptées. «Obama ne s'est même pas arrêté ici. C'est dommage, nous aurions pu lui raconter la visite de John Kennedy. Il était venu dans notre magasin à
l'époque de mon grand-père, quelques mois avant son élection. Nous avons toujours la lettre de remerciement qu'il lui avait écrite depuis la Maison-Blanche».
La visite d'Obama s'est achevée dans la même atmosphère glaciale, rendue encore plus sinistre par la tempête de sable qui soufflait sur la ville. Le contraste
était total avec l'accueil triomphal réservé à Obama par Israël. Obama avait commencé la journée par une visite au mont Herzl, le cimetière national d'Israël. Il s'est recueilli sur les
tombes de Theodor Herzl, le fondateur du sionisme, et d'Yitzhak Rabin, le premier ministre assassiné en 1995.
lI s'est ensuite rendu à Yad Vashem, le musée de l'Holocauste, qui se consacre aussi à retrouver les noms des six millions
de victimes juives disparues pendant la Shoah. Encore charmés par son discours de la veille, les Israéliens semblaient avoir été quatre ans après le reste du monde gagné par l'obamania. Cet
enthousiasme n'a en revanche pas franchi la Ligne verte et atteint les Territoires palestiniens.
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Par Adrien Jaulmes
Journaliste Figaro
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