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Errance et misère des Rom

 Reportages: sommaire

 

 

Citoyens de l'Union européenne depuis le 1er janvier, les Roms roumains et bulgares sont pourtant traités comme des parias lorsqu'ils arrivent en France. Près de 500 Roms survivent depuis des mois à Lille dans la plus grande misère. Reportage.

 

 

 

 

 

Il multiplie les sourires. Il fait des signes avec ses mains. Il bricole des mots en roumain et aussi, un peu, en italien. Il sort son portefeuille, une grande pochette pleine de papiers, une enveloppe du Conseil général du Nord, et enfin un passeport bordeaux. Montre les photos de ses enfants. Pointe son nom : Cristian Drosceac. Il parle le langage universel de ceux qui n'arrivent pas à se faire comprendre. Le voilà, lui, le Rom de l'Europe de l'Est, en France - un pays dont il ne sait rien. Peu à peu, d'approximation en approximation, on saisit les bribes de son histoire. "En Roumanie, on ne nous laisse pas travailler, explique-t-il. Les Roumains sont racistes avec les Tziganes. En France, tout ira bien. Les enfants iront à l'école. On aura les allocations. On pourra travailler. On aura une maison". Dans les yeux de Cristian, brille un immense espoir.



Un espoir insensé. On visite l'endroit où il vit avec ses cinq enfants, un terrain vague à deux pas du centre-ville de Lille. Au milieu des détritus se dresse une quinzaine de tentes. Grises, jaunes, bleues, rafistolées avec du drap, du scotch et aussi du carton. Frêles abris de fortune secoués par le vent et la pluie. À côté, deux caravanes qui transpirent la pauvreté. Tout à coup, un rat pique un sprint à travers le terrain. On se frotte les yeux, mais on a bien vu. Comme dans un camp de réfugiés, sans eau, sans électricité, sans argent, sans travail, habitent ici des familles entières. Un nouveau-né dort dans une poussette. Crasseux et souriants, des gamins courent autour du reporter. Veulent lui serrer la main. "Tu raconteras tout ça dans ton journal", implore Cristian. 



Trop visibles



Ils seraient près de 500 à Lille à vivre ainsi dans la plus grande misère. Venus de l'Est, en voiture ou en bus, ces Roms ont cru que leur vie serait plus belle à l'Ouest. L'entrée de la Roumanie dans l'Union européenne le 1er janvier a amplifié l'exode : ce pays compte plus de 2,5 millions de Roms. En mai, un premier campement s'installe rue de Marquillies, dans le quartier populaire de Lille-Sud. Avec d'abord une dizaine de tentes. "Et puis ça s'est agrandi, jusqu'à devenir un village de 350 personnes, raconte François, éducateur spécialisé de l'Areas, une association qui s'occupe des gens du voyage. Les gens avaient faim et froid. Quand j'arrivais sur le terrain, j'avais l'impression d'être le Messie. Ils pensaient que je pouvais les aider. Mais en réalité je ne pouvais pas faire grand chose. Tout est très long à mettre en place."


Le bidonville devient trop visible. Le 13 septembre, s'appuyant sur une décision du Tribunal administratif, la préfecture organise l'expulsion. "Tout le monde a été viré dès 6 heures du matin, les enfants scolarisés, les bébés, les malades, les vieux, raconte Ouahab, responsable de l'accueil des demandeurs d'asile au Secours Populaire. La nourriture, les cabanes et les tentes ont été écrasées par les bulldozers. Ils ont été virés comme des chiens." Les familles se groupent Porte de Valenciennes mais sont à nouveau expulsées. Depuis, elles vivent, par petits groupes, aux quatre coins de Lille, dans des usines désaffectées ou des terrains vagues. Il n'y a pas de place pour elles dans les centres d'hébergement d'urgence.


Rares sont ceux qui se mobilisent pour les aider. Quelques bénévoles isolés et deux associations sont en permanence sur le pont. Le Secours populaire assure des distributions de vivres et de couches pour bébé tous les quinze jours. L'Areas se bat avec une administration kafkaïenne. "Nous avons dénombré 130 enfants de 6 à 16 ans, raconte François. Des enfants que les familles veulent scolariser. Mais pour cela, elles doivent fournir un certificat d'hébergement… qu'elles n'ont évidemment pas. Idem, pour avoir les allocations familiales, elles doivent prouver que les enfants sont scolarisés… Que peuvent-elles faire ?" Depuis l'expulsion du 13 septembre, les autorités laissent pourrir la situation. Espérant peut-être que les Roms reprennent la route. "Mais ces gens sont prêts à subir le pire, prévient Ouahab. Ils n'ont rien à perdre."

   

 

 

 

Des évacuations et des expulsions inutiles



 Lille n'est pas un cas isolé. L'été 2007 a été ponctué par plusieurs évacuations de campements de Roms roumains ou bulgares, exécutées dans l'indifférence générale. Difficile d'en tenir le compte exact... A Marseille, le 26 juin, la police a ainsi expulsé une cinquantaine de Roms qui stationnaient depuis quelques mois sur une ancienne station-service à l'abandon. A Saint-Denis, au cours du mois d'août, quelques jours avant le lancement de la Coupe du monde de rugby, près de 400 familles ont été contraintes de quitter le campement de la rue André Campra. Le 28 août, les forces de l'ordre ont évacué un camp de 230 Roms à Vénissieux, près de Lyon, provoquant la fureur du député-maire
André Gérin . Plus récemment, le 3 octobre, une soixantaine de Roms a été expulsée, à Nantes, d'un terrain occupé depuis plusieurs mois. Mais, du Nord au Sud, les bidonvilles finissent toujours par se reconstituer…


Les préfets ont pour consigne de procéder aux expulsions. Mais, depuis l'élargissement de l'Europe le 1er janvier, il ne leur plus possible de distribuer aux Roumains et aux Bulgares les habituels "arrêtés de reconduite à la frontière", sauf trouble à l’ordre public ou infraction au code du travail (travail sans autorisation). Ils peuvent cependant édicter, sous certaines conditions, des "obligations à quitter le territoire français" ou organiser des "retours humanitaires". Avec des résultats mitigés : en effet, les Roms reviennent toujours.


"L'éloignement n'est en aucun cas une solution", juge
le collectif RomEurope, qui rassemble une vingtaine d'organisations dont la Ligue des Droit de l’Homme et Médecins du Monde. Selon cette organisation, "la seule solution alternative aux bidonvilles" est la construction de projets d'insertion en France, pour que les familles "puissent accéder au logement, à l’emploi, à la scolarisation régulière des enfants, à l’alphabétisation, la formation professionnelle". RomEurope met en avant des actions réussies : par exemple, à Lieusaint en Seine et Marne, où un projet développé depuis 2002 par la préfecture et les collectivités territoriales "a permis à 39 familles de s’intégrer complètement".



Écrit par Sylvain Marcelli - Photos : Karine Delmas. 
 
L'Interdit 16-10-2007

 

 

 

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S
<br /> <br /> Au Portugal, une juge qualifie les Tziganes de "perfides"<br /> <br /> <br /> <br /> Le<br /> jugement a provoqué un tollé au Portugal. Dans une décision rendue par<br /> le tribunal de Felgueiras, révélée par l'agence Lusa mercredi 30<br /> juillet, cinq Tziganes condamnés à des peines de prison ferme pour<br /> avoir agressé des gendarmes ont été qualifiés par le juge de "personnes<br /> mal vues socialement, marginales, perfides, totalement dépendantes de<br /> l'Etat qu'elles paient en désobéissant et en attentant à l'intégrité<br /> physique et morale de ses agents". La juge a précisé que les conditions de logement des cinq hommes étaient "mauvaises, non en raison de l'espace physique en soi, mais en raison du style de vie et de leur ethnie (peu d'hygiène)". Les Tziganes sont 50 000 au Portugal. "Nous en avons marre des discriminations", a réagi la Fédération des associations tziganes du pays. Le Monde<br /> <br />
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A
<br /> <br /> <br /> Manifestation des Roms<br /> Environ 400 Rroms de Roumanie ont manifesté hier, 31 octobre à Saint-Denis (93) pour dénoncer les rafles récentes sur le département et le droit de travailler régulièrement en France. Une délégation a été reçue à la sous-préfecture de Saint-Denis par la secrétaire générale, Mme. Bartoli et M. Mathieu, chef de bureau, qui ont pris note, mais n’ont pas pu répondre aux revendications, c’est-à-dire l’arrêt des expulsions et un droit au travail effectif pour ces nouveaux citoyens européens.<br /> Au 1er janvier 2002, les ressortissants roumains et bulgares ont acquis le droit d’entrer et de séjourner dans l’espace Schengen, dont la France pendant moins de trois mois, sans visa. En été 2003, soit un an après cette ouverture, le Ministère de l’Intérieur reconnaissait qu’il y avait en France environ 5000 Rroms de Roumanie vivant dans des bidonvilles, et ce chiffre n’a pas sensiblement changé depuis. A plusieurs reprises cet été, M. Brice de Hortefeux a déclaré que l’entrée de la Roumanie et de la Bulgarie compliquait la réalisation de l’objectif chiffré de 25.000 expulsions d’étrangers, car 30% des expulsés 2006 étaient Roumains ou Bulgares. Dans les faits, il s’agit de Rroms de ces deux pays à quelques exceptions près, ce qui veut dire que 8.000 Rroms roumains et bulgares auraient été expulsés en 2006, alors qu’en tout ils sont entre 5000 et 6000, et toujours en France. En effet, des Rroms ont été expulsés 2, voire 3 fois au cours de l’année, d’où le chiffre de 8.000 expulsions, qui représente aussi environ 80 millions d’euros pour le contribuable français si on prend en considération la moyenne de 10.000 euros par expulsion. Et tout cela pour renvoyer des personnes dont on sait pertinemment qu’elles reviendront quelques jours après, comme elles ont le droit de le faire.<br /> Avec l’entrée de leurs pays respectif à l’UE, une nouvelle technique est mise en place : le retour volontaire forcé. La police arrive sur le terrain, l’encercle en bloquant la circulation et en interdisant l’accès à toute personne extérieure. Accompagnée de l’ANAEM, elle fait signer les obligations de quitter le territoire français ainsi que la demande d’aide au retour, soit 153 euros par adulte et 46 euros par enfant, sous la menace d’emprisonnement. Lors d’une réunion jeudi dernier, le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré qu’il ne tolèrerait plus aucun "campement sauvage" sur son territoire.<br /> C’est dans ce contexte que les Rroms se sont mobilisés en nombre pour alerter l’opinion publique sur ces procédés qui détruisent leurs projets tout en gaspillant l’argent public, le tout sacrifié à l’autel du sacro-saint objectif chiffré de mesures d’éloignement par la machine infernale des expulsions massives. Tenus d’obtenir une autorisation préalable pour travailler régulièrement ont demandé aussi l’allègement des procédures, qui rendent ce droit inaccessible : une contribution à hauteur de 893 euros à la charge de l’employeur et une procédure qui dure en moyenne 3 mois. Les insuffisances d’effectifs ne justifient pas une telle procédure, dans la mesure où les 80.000 euros gaspillés en 2006 auraient pu largement couvrir les dépenses pour embaucher plus de personnel qui étudierait les dossiers et qui statuerait dans un délai de quelques jours.<br /> Suite à la rencontre avec les représentants de la sous-préfecture, ils ont fait savoir qu’ils attendaient une suite à cet échange et au rapport qui serait remis aux autorités ayant un pouvoir de décision. Aucun délai n’a été indiqué pour la réponse. A la fin de la rencontre, la délégation a indiqué que les Rroms attendraient une réponse dans un délai raisonnable, et qu’ils maintiendraient et renforceraient leur mobilisation.<br />
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