Grèce : des compromis mais pas de compromission / À la gauche de Syriza, le vertige du compromis

Le gouvernement Tsipras, qui a du présenter à contrecœur des mesures pour apaiser ses créanciers, ne transige pas sur la priorité de son programme : la lutte contre la pauvreté. L'Eurogroupe a validé l'ensemble des mesures et s’est engagé à poursuivre le programme d’aides.

C’était au cœur du programme de Syriza et le gouvernement Tsipras ne reviendra pas dessus : la lutte contre la crise humanitaire qui sévit en Grèce. Athènes va ainsi mettre en place des mesures "très ciblées" pour améliorer la couverture sociale, l'approvisionnement en énergie et l'accès à la nourriture au logement des plus pauvres, par exemple avec des bons d'alimentation.
Au programme également la dépénalisation du surendettement pour les petites sommes, le soutien aux "plus vulnérables" ne pouvant rembourser leurs emprunts et une collaboration avec les banques pour "éviter les mises aux enchères de résidences principales en-dessous d'un certain seuil" de défaut de paiement.

C’était également au programme de Syriza, le gouvernement grec s'engage à faire "de robustes efforts" dans la collecte des impôts et la lutte contre l'évasion fiscale en "utilisant pleinement les moyens électroniques et autres innovations technologiques". Le tout doit cibler "particulièrement les plus nantis" afin de "les faire participer de manière juste au financement des politiques publiques" et se faire "sans impact négatif sur la justice sociale". Le code fiscal doit être modernisé, l'indépendance de l'administration centrale des impôts renforcée, ses moyens élargis.

Le gouvernement prévoit aussi un dispositif de lutte contre la contrebande d'essence et de cigarettes, un renforcement de la lutte contre la corruption et la mise en place d'un système permettant le paiement rapide des arriérés fiscaux et de contributions à la sécurité sociale.

 

Des compromis et des économies

Le nombre de ministères doit passer de 16 à 10, les avantages et primes des ministres, parlementaires et haut fonctionnaires être réduits, la grille des salaires dans la fonction publique remaniée. L'Etat veut également monnayer "aux prix du marché" l'utilisation par les médias des fréquences de radio-télévision, réformer les règles d'attribution de marchés publics.

Là où l‘aile gauche de Syriza grince les dents, c’est à propos de "l'ampleur et du calendrier" de la progression du salaire minimum, une promesse centrale de Tsipras, qui "se feront en consultation avec les partenaires sociaux et les institutions européennes et internationales", selon le document et "de manière à préserver la compétitivité et les perspectives d'emploi". Le montant envisagé (751 euros) et la date (2016) ne figurent pas explicitement dans la liste.

Autre recul, les privatisations déjà réalisées ne seront pas remises en question, pour celles qui sont déjà lancées "le gouvernement va respecter les processus en conformité avec la loi". Celles qui sont prévues doivent être "examinées avec pour objectif de maximiser les bénéfices à long terme pour l'Etat". Des ministres du gouvernement Tsipras avaient annoncé peu après leur élection leur intention de revenir sur plusieurs ventes en cours, comme celles du terrain de l'ancien aéroport d'Athènes et de 14 aéroports régionaux.

 

À la gauche de Syriza, le vertige du compromis

 

 

Les concessions de l’exécutif suscitent les critiques de l’aile la plus radicale de la coalition. Certains évoquent le recours à un référendum.
C'est depuis Bruxelles que le député européen (Syriza) Manolis Glezos, figure respectée de la résistance à l'occupation nazie, a décoché une flèche cruelle contre son camp. Le vieil homme – il a 93 ans- a sévèrement critiqué l'accord conclu à l'Eurogroupe, sans même attendre le programme de réformes présenté par Yannis Varoufakis en contrepartie de l'extension de l'accord de prêt liant Athènes à ses créanciers européens. « Changer le nom de la troïka en « institutions », celui du mémorandum en « accord » et celui des créanciers en « partenaires », ne change en rien la situation antérieure (…).

Pour ma part, je demande au peuple grec de me pardonner d’avoir contribué à cette illusion. (…) Entre l’oppresseur et l’oppressé, il ne peut être question de compromis », écrit l'ancien résistant, en appelant « les amis et les membres de Syriza » à « décider s'ils acceptent cette situation ». Incendiaire, la déclaration a été relayée, sur Twitter, par l'architecte du programme économique de Syriza, Giannis Milios. À la gauche du parti, les concessions consenties pour parvenir à un compromis suscitent des interrogations, voire des crispations, certains évoquant même le recours à un référendum. Plus mesuré, le ministre délégué aux Relations économiques extérieures, Euclide Tsakalotos, admet qu'il « n'exulte pas de joie », mais que « le peuple grec a la maturité nécessaire pour évaluer ce qui a été négocié ». Serein, Georges Katrougalos répond par une franche et amicale critique à Manolis Glezos. « Il a gagné le droit d'avoir quelques fois tort.

Je pense qu'il sous-estime le fait que l'ambiguïté constructive de l'accord est le début de la négociation, pas la fin », pense le ministre délégué à la Fonction publique et à la Reforme de l'Etat. En fait, si le débat est vif, la plupart des cadres de Syriza disent avoir conscience que la Grèce est engagée dans un combat de longue haleine. « Nous n'avons pas gagné la guerre, mais nous avons ouvert une brèche. Au regard du rapport des forces en Europe, c'est très important », affirme Maria Karamessini, directrice du département de Politique sociale de l'Université Panteion

Pour cette économiste, le compromis de vendredi présente surtout l'avantage d'offrir « du temps » au gouvernement grec et de mettre en cause l'objectif irréaliste d'un excédent primaire de 3%. Et si Athènes reconnaît ses engagements envers ses créanciers, Tsipras, assure-t-elle, ne perd pas de vue l'objectif d'une renégociation de la dette au terme de ce délai de quatre mois. L'angoisse du compromis plonge-t-elle ses racines dans l'histoire de la gauche grecque ? La blogueuse et cinéaste Marie-Laure Coulmin Koutsaftis en est convaincue : « Toute signature réveille le vieux traumatisme des "déclarations de repentir et de reniement du communisme" que les militants enfermés dans les camps après la guerre civile étaient incités à signer à coup de trique. Chaque signature était considérée comme une trahison et une capitulation. »

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