Non, le monde musulman ne s'est pas embrasé contre Charlie Hebdo

La multiplication des manifestations contre la caricature du prophète par Charlie Hebdo peut faire penser à une mobilisation massive dans les pays musulmans. Quelle a été leur véritable portée? Explications. 
 

Des manifestations souvent limitées

 

Les manifestations ont surtout été importantes en Afrique où le caractère anti-français était sans doute en partie lié au rôle militaire de la France dans plusieurs conflits de la région. Dans beaucoup de pays du monde arabe, les manifestants n'ont pas dépassé quelques milliers, voire quelques centaines. 

"Ces événements ont eu une résonance médiatique forte en France après l'émoi des attentats des 7, 8 et 9 janvier. Les manifestants savent très bien tirer profit de cette médiatisation, au moyen de mises en scène spectaculaires devant les caméras afin de décupler l'importance de leur démonstration", explique à L'Express Ziad Majed, spécialiste du monde arabe. De fait, la majorité des musulmans est restée étrangère à ce mouvement de contestation. 

Des manifestations souvent instrumentalisées

 

A Alger, 2 à 3000 personnes ont manifesté, vendredi. Quelques affrontements ont éclaté quand des manifestants ont tenté de forcer un cordon de policiers armés de matraques près de l'Assemblée nationale. "Les manifestations pour des revendications économiques ou sociales sont fréquentes en Algérie depuis quelques années, observe Ziad Majed. Par contre les manifestations politiques sont souvent interdites et beaucoup moins relayées par les médias internationaux"  

En Algérie comme dans bon nombre de pays de la région, l'autorisation ou l'interdiction des manifestations est fréquemment liée à l'agenda politique ou diplomatique des autorités, aux signaux qu'elles entendent donner ou pas à leur opposition, aux pays voisins, ou aux partenaires occidentaux.  

Les manifestations ont été peu voire très peu suivies en Jordanie et au Yémen. En Iran, quelques 2000 personnes ont défilé à Téhéran, dans une ville de 8 millions d'habitants (14 pour la zone urbaine). Même au Pakistan, les défilés ont été relativement restreints (quelques milliers pour un pays de près de 190 millions d'habitants, pourtant coutumier des démonstrations de force et éruptions de violence). 
 

Les manifestations ont été peu voire très peu suivies en Jordanie et au Yémen. En Iran, quelques 2000 personnes ont défilé à Téhéran, dans une ville de 8 millions d'habitants (14 pour la zone urbaine). Même au Pakistan, les défilés ont été relativement restreints (quelques milliers pour un pays de près de 190 millions d'habitants, pourtant coutumier des démonstrations de force et éruptions de violence). 
 

Verrouillage dans les pays du Golfe

 

A l'inverse, "aucune manifestation ne s'est déroulée dans les pays du Golfe", constate Ziad Majed. Ceux-ci tenaient certainement, à l'heure d'affronter Daech au Levant et à leurs frontières, à montrer qu'ils n'ont rien à voir avec les groupes djihadistes dont se sont réclamés les terroristes de Paris. Enfin les médias locaux et panarabes -en partie sous influence des régimes en place- ont eux aussi cherché à calmer les esprits en condamnant à la fois les attaques à Paris et les caricatures de Mahomet. 

Dans d'autres pays, laisser défiler quelques "barbus" en colère permet d'évacuer les tensions sociales à moindre frais, ou de montrer le danger représenté par les extrémistes, afin de mieux se poser en rempart. 
 

Les cas particuliers du Niger...

 

Au Niger, pays le plus secoué par les manifestations, les raisons de l'embrasement sont multiples, mais la question des caricatures apparaît surtout comme une étincelle. Niamey cumule l'un des niveaux de développement et d'alphabétisation les plus bas du continent africain. L'influence des prêcheurs wahhabites y est forte et la participation du président Mahamadou Issoufou à la Marche du 11 janvier "pour Charlie" a été mal perçue dans ce pays de 17 millions d'habitants, à 95% musulman, qui accueille plus de 100 000 réfugiés du Nigeria. Fragile, le Niger est perméable aux sévères tensions des pays voisins, le Nigeria où sévit Boko Haram, le Mali à peine remis de l'offensive djihadiste de 2013, et la Libye profondément instable depuis l'échec de la transition politique après la chute de Mouammar Kadhafi. 

... et de la Tchétchénie

 

La Tchétchénie, petite république musulmane du Caucase russe, fait figure d'exception avec la plus importante manifestation contre les caricatures. Même si là encore les chiffres officiels sont certainement contestables: des centaines de milliers de manifestants ont défilé lundi à Grozny. Mais il est difficile de prendre pour argent comptant les chiffres de 800.000 à 1 million de participants ... pour une ville de 220 000 habitants. Les manifestations se sont déroulées en réponse à l'appel du dirigeant tchétchène Ramzan Kadyrov. L'autocrate installé au pouvoir par Vladimir Poutine après la brutale guerre de Tchétchénie, se pose en défenseur de l'islam. Faisant régner la terreur sur la petite république, il peut quasiment tout se permettre en son "royaume". Il a d'ailleurs essayé, via son "représentant", d'organiser la même manifestation à Moscou, le 25 janvier, mais les autorités de la ville l'ont empêché. 


 

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