L’appel au secours des femmes de Gaza

Les femmes de la bande de Gaza étouffent sous le blocus imposé depuis sept ans par Israël. Elles ont lancé un appel au secours. Cent femmes, notamment de France, de Belgique, d’Angleterre, tenteront de les rejoindre début mars. Olivia Zemor, présidente de l’association Europalestine, nous explique pourquoi cette mission qu’elle coordonne et nous parle du boycott des produits israéliens.

 

Début mars, vous tenterez de rejoindre les femmes de Gaza à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes. Pouvez-vous nous expliquer l’origine de la mission ?

 

En juillet 2005, la société civile palestinienne appela le monde entier au boycott des investissements destinés à Israël. Un an avant, la Cour internationale de Justice avait déclaré illégaux les colonies et le Mur, et demandé qu’il soit démantelé. Aucun gouvernement n'en a tenu compte. Pour que cet appel soit entendu, il a fallu les bombardements de l'opération Plomb durci sur la bande de Gaza en 2009. Depuis, la situation de Gaza s'est aggravée, avec d'autres bombardements, et le blocus imposé par Israël en 2007. Entre-temps, nous de même, pendant nos campagnes, nous avons oublié la bande de Gaza, occupés plutôt sur les colonisations israéliennes. Avec les militants des autres pays, nous avons discuté de la manière de briser le silence sur Gaza, sachant que les gouvernements feraient encore la sourde oreille. Nous avons souhaité que les femmes de Gaza s'expriment, car on ne parle jamais d'elles. L’année passée, lors d'une mission à Gaza, nous avons suggéré aux femmes qu'il fallait qu'elles lancent un appel au secours. Une centaine d'entre elles l'ont fait individuellement.

 

Comment ont-elles lancé cet appel ?

 

Grâce à deux militants français qui les ont rencontrées à Gaza, janvier dernier. Ils ont eu une réunion avec elles et d’autres femmes d'associations humanitaires. Ensemble, ils ont rédigé cet appel décrivant le châtiment collectif qu'Israël leur impose. Aussitôt cet appel a été répondu par des femmes de nos pays, qui ont formé une coalition internationale contre le blocus de Gaza. L'objectif : toucher l'opinion publique. Le moyen : faire du bruit par des rassemblements hebdomadaires dans plusieurs villes en France. Et début mars, nous partirons, étant une centaine de femmes, à la rencontre des femmes de Gaza pendant la journée internationale des droits des femmes. Le message en sera d'autant plus fort. Mais nous n'avons aucune garantie que le gouvernement égyptien nous laisse franchir les frontières entre Rafah et Gaza.

 

Comment êtes-vous venus à soutenir les Palestiniens de la bande de Gaza ?

 

Notre campagne ne parle que de la Cisjordanie, puisque les produits israéliens sont entre autres fabriqués dans cette région. Nous avons cependant oublié la moitié de la population palestinienne. Celle qui habite la bande de Gaza. Nos arguments traitaient principalement des colonies israéliennes. Or la bande de Gaza est dans une espèce de prison, malgré qu'il n'y ait plus aucune colonie israélienne depuis 2005. La population qui vit dans la bande de Gaza manque de tout. Elle ne peut sortir du côté des frontières israéliennes, même dans les cas d'urgence. Elle ne peut recevoir personne, à tel point que le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, n'a pas eu l'autorisation d'Israël de rentrer dans la bande de Gaza alors qu'il avait pu mettre les pieds dans d'autres territoires. Ce blocus, qui dure depuis sept ans, veut dire aussi : manque d'essence, d'électricité, de nourriture. L'unique centrale électrique de Gaza a été bombardée. Et les tunnels entre les frontières égyptiennes et palestiniennes, par lesquels des marchandises indispensables passaient, ont été détruits. Comme l'électricité manque aussi dans les hôpitaux, les patients qui survivent grâce à des appareils meurent. Des interventions chirurgicales se font à la lumière de téléphone portable. La station d'épuration est hors service, et les eaux usées des égouts remontent à la surface, ce qui produit des fléaux. Les transports en commun ne circulent plus. Les Nations-Unis ont déclaré qu'à cette allure la bande de Gaza serait inhabitable en 2020. L'ancien ministre israélien de l'éducation, Shulamit Aloni, disait justement qu'il n'est guère besoin de four crématoire ou de chambre à gaz pour un génocide. Là, ce blocus en est un.

 

Comment changer cette situation ?

 

Si nos gouvernements veulent que ce blocus soit levé, ils doivent arrêter leurs collaborations avec Israël. Notre devoir en tant que citoyen est de faire pression sur nos représentants, et de montrer qu'il existe un décalage énorme entre l'opinion publique et les gens censés nous gouverner. Quand nos dirigeants et nos institutions contribuent à une action barbare, seule la société civile est capable de bousculer les choses. Malgré l'indifférence des grands médias sur le blocus de Gaza, nous avons notre bouche, nous pouvons intervenir dans la rue, sur Internet. Le problème essentiel que nous avons, c'est le silence des médias, car nos dirigeants demandent qu'ils se taisent. Les rares fois où les médias traitent de Gaza, ils parlent du Hamas et d'hommes barbus supposés terroristes, comme si toute la population, femmes et enfants compris, était composée entièrement de terroristes, c'est-à-dire environ 1,7 million de personnes.

 

Que pensez-vous du boycott d'Israël ?

 

En France, les appels au boycott d'Israël sont criminalisés à cause d'une circulaire faite en 2010 par Michèle Alliot-Marie. Cette circulaire, pondue sous Nicolas Sarkozy, demande aux parquets de France de condamner les personnes qui demandent le boycott des produits israéliens. Uniquement cela. Des appels sont lancés sans arrêt, comme celui de Bernard-Henri Lévy à propos du boycott des jeux Olympiques d'hiver en Russie ; ou celui de Brigitte Bardot à propos du boycott des produits canadiens, car les bébés phoques seraient maltraités. On a le droit d'appeler à tout ce qu'on veut, sauf au boycott des produits israéliens. Sinon les officines israéliennes engagent des poursuites. Et le gouvernement français approuve. Toutes les enquêtes, les procédures policières, judiciaires, menées contre cette espèce d'appel, payées aux frais des contribuables, servent à contenter le lobby israélien. Quand un procès est lancé, les officines israéliennes s’y joignent, ce qui ne leur coûte rien, et réclament ensuite dommages, intérêts, frais de justice… Cette circulaire, qui déplaît à beaucoup de magistrats, n'a pas été annulée par la ministre de la Justice, Christiane Tobirat, alors que ce n'est pas une loi.

 

Vous me dites pourtant qu'elle est appliquée...

 

Si elle faisait office de loi, nous perdrions tous les procès, et l'appel au boycott des produits israéliens serait illégal. Mais comme ce n'est pas une loi, la résistance est permise. Quand des procès sont lancés contre nous, nous avons des jugements majoritairement favorables. Nous avons même eu des procureurs à qui le ministère de la Justice demandait de requérir des peines contre nous, et qui ont refusé de le faire. Il est quand même intéressant de savoir que ceux qui se disent socialistes soutiennent Benyamin Netanyahou, Premier ministre d'Israël....

 

Avez-vous quelques exemples ?

 

Avant d'aller visiter la plus grande université de Palestine à Birzeit, François Hollande avait évoqué clairement en Israël qu'il soutenait la politique de Benyamin Netanyahou. Il annula ensuite sa visite à Birzeit, craignant les protestations des Palestiniens. Il déclara même, à propos des négociations de paix, que les Palestiniens devaient faire un effort. Dans la situation actuelle, une telle demande est surprenante. Il déclara aussi qu'il ne fallait pas admettre le gel de la colonisation d'Israël pendant les « négociations de paix ». Des vidéos montrent François Hollande avec sa femme chez Benyamin Netanyahou. Lors de la soirée, François Hollande répète que tout son cœur est avec Israël. Voilà un excès d'allégations aussi impudiques les unes que les autres quand on sait à quel point Israël bafoue les Palestiniens. François Hollande, plus clairement que Nicolas Sarkozy, a joué sur la confusion entre les Juifs, le judaïsme et la politique israélienne.

 

Le gouvernement français vous accuse-t-il d'antisémitisme ?

 

Certainement. Mais sur base de quelle loi nous poursuit-il quand nous demandons le boycott des produits israéliens ? François Hollande s'appuie sur une loi qui n'a aucun rapport avec cela. Cette loi protège la personne contre les discriminations, qu'importent sa nation, son ethnie, sa race, son appartenance religieuse. C'est une loi antiraciste. Sauf que le gouvernement français tire l'affaire par les cheveux. Il se rapporte au mot nation, c'est-à-dire un ensemble de personnes. Et les sionistes disent que derrière les produits il y a des personnes. Ces producteurs toutefois ne sont pas tous des Israéliens. Il y a aussi des Palestiniens. Il y a également une main d'œuvre thaïlandaise. L'accusation d'antisémitisme est inadéquate. Nous sommes seulement contre les produits israéliens. La magistrature française, cette fois contre la décision du gouvernement, a qualifié ce détournement de sens d'attentat judiciaire. Comment peut-on utiliser une loi antiraciste pour défendre un Etat qui ne respecte ni les résolutions de l’ONU ni le droit international ?

 

Si vous souhaitez d'autres informations : Association Europalestine

 

 

 

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