Le Rom, inusable bouc émissaire. A propos d’une couverture de Valeurs actuelles.

L’extrême-droitisation de la politique française est en bonne voie. Le gouvernement PS, par la voix et l’action de son ministre de l’Intérieur se rapproche dangereusement de l’UMP lequel, de son côté, jette des ponts vers le FN. Les manifestations unitaires contre le « mariage pour tous » sont passées par là… Dernière « opération séduction » en date : la couverture de cette semaine de Valeurs actuelles organe officiel de la droite décomplexée, qui a déjà fait beaucoup parler d’elle. Idéologiquement proche du Figaro-Magazine, cette revue est d’ailleurs spécialiste des couv’ ultralibérales, ultraréactionnaires et islamophobes. Le Rom, à grands renforts de formules-choc et d’effets stylistiques (on appréciera le jaune vif sur fond très noir…), est appelé à la rescousse par les valets médiatiques de l’oligarchie pour, une fois de plus, faire diversion face à la gravité de la situation économique et sociale et jouer les boucs émissaires. Un rôle dans lequel il excelle.

Les Roms vivant dans des campements "ne souhaitent pas s’intégrer dans notre pays pour des raisons culturelles ou parce qu’ils sont entre les mains de réseaux versés dans la mendicité ou la prostitution"… Cette formule que l’on croirait tout droit sortie de la bouche de Marine Le Pen ou de Jean-François Copé, et qui a provoqué la colère de nombreuses associations dont la Voix des Roms, est de… Manuel Valls. Le même qui affirme poursuivre sans relâche la politique de démantèlement des camps de Roms, à l’image de son prédécesseur, et qui affiche son accord avec le premier Ministre Roumain Victor Ponta estimant que les Roms « ont vocation à rester en Roumanie ou à y retourner ». Cette politique droitière et discriminatoire a d’ailleurs valu à la France d’être une nouvelle fois placée sous surveillance par la Commission Européenne.

La ligne défendue par Manuel Valls dans le dossier des Roms a des effets doublements négatifs. Elle contribue à banaliser la xénophobie et à conforter les stéréotypes anti-Roms repris dans la couverture de Valeurs actuelles (vivants des aides publiques et délinquants,… accompagné d’un panneau signifiant l’illégalité de leur installation) en élevant la question des Roms et de leur séjour en France au rang de « problème de société » requérant l’intervention prioritaire des pouvoirs publics. C’était, à quelques nuances près, la politique du précédent gouvernement. Ce faisant, elle contraint la droite à une surenchère sur le terrain de l’immigration et favorise ainsi ses manœuvres de rapprochement du Front National. L’alliance UMP-FN trouve enfin sa légitimité dans ce durcissement sécuritaire.

Mais l’extrême-droitisation du paysage politique français n’est pas qu’une question d’arithmétique électorale ou de positionnement tactique. Comme nous l’avons montré par ailleurs, l’aggravation de la crise économique a pour effet d’atténuer les clivages partisans tout en déplaçant le centre de gravité des débats politiques des questions économiques (sur lesquelles le gouvernement est mis en échec) vers les questions de société (là où la droite réactionnaire est à l’aise). Le combat du mariage pour tous, en lieu et place de celui pour les droits des salariés, offre un boulevard au Front National qui réussit ainsi à imposer ses thèmes de prédilection. Plus généralement, cette défection du politique face aux forces du marché favorise la réaction car elle incite les gouvernements à retrouver leur légitimité dans les politiques autoritaires de maintien de l’ordre et de contrôle du territoire au détriment de celles de relance keynésienne et de luttes contre les inégalités sociales, ces dernières politiques étant d’ailleurs nettement limitées par les contraintes de l’appartenance à l’Europe communautaire… Récession rime avec régression et répression. On le constate depuis un an, cette conversion sécuritaire transcende largement le clivage droite/gauche et inspire en partie la politique de l’actuel gouvernement.

Assistanat, extranéité, délinquance, immigration illégale… la figure du Rom cristallise à lui seul tous ces thèmes de rejet chers au Front National, repris dans la couverture de Valeurs actuelles. La gauche gouvernementale lui a emboîté le pas avec un certains succès – s’il on en croit les sondages d’opinion largement favorables à la politique de Manuel Valls – mais au prix d’une lepénisation totale de la vie politique dont cette « une » racoleuse et tapageuse n’est que l’un des nombreux symptômes. Le Front National se nourrit avant tout des renoncements de la gauche. 

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